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Que veut dire le terme « dyssynchronie » chez les enfants doués intellectuellement (ou à haut potentiel intellectuel) ?

PAR MARIANNE BÉLANGER

7

Oct 2019

Chez de nombreux enfants doués intellectuellement, on retrouve des décalages entre les différentes sphères de leur développement que l’on nomme dyssynchronies (ou asynchronies). Défini initialement par Jean-Charles Terrassier, psychologue français, le concept a été repris par plusieurs experts internationaux dans le domaine de la douance et a fait l’objet de plusieurs études empiriques, particulièrement aux États-Unis.

Les dyssynchronies internes

Dans la littérature scientifique, deux dyssynchronies internes ont ainsi été documentées, c’est-à-dire des décalages entre les différentes sphères du développement de l’enfant lui-même :

Dyssynchronie motrice, c’est-à-dire un décalage entre son développement intellectuel plus élevé que la moyenne et son développement psychomoteur qui est souvent dans la moyenne, ce qui peut le rendre maladroit ou très habile dans certaines tâches et très peu dans d’autres (ex. : calligraphie).

Dyssynchronie affective, c’est-à-dire un décalage entre son développement intellectuel plus élevé que la moyenne et son développement affectif dans la norme de son groupe d’âge, ce qui peut donner une impression d’immaturité, des réactions émotionnelles intenses, etc.

Les dyssynchronies environnementales

Des dyssynchronies environnementales ont également été documentées, c’est-à-dire des décalages entre les besoins de l’enfant doué et la capacité de son environnement à y répondre pour combler ses besoins particuliers. Les deux premières seraient fréquemment observées chez les enfants doués tandis que la dernière serait moins fréquente :

  1. Dyssynchronie scolaire, c’est-à-dire un décalage entre les besoins de l’enfant doué et la capacité de son environnement scolaire à y répondre, ce qui peut engendrer de l’ennui, de l’inattention, des comportements plus perturbateurs, des performances très variables, une démotivation scolaire, etc., notamment parce que dans la plupart des écoles :
    • Les élèves sont regroupés par âge chronologique plutôt que par habiletés ou aptitudes ;
    • L’enseignement se fait au rythme de la classe et non au rythme de l’élève ;
    • Le programme est conçu selon le développement cognitif et psychosocial, ainsi qu’en fonction des compétences intellectuelles de la moyenne. Au primaire, il privilégie donc la pensée opératoire concrète plutôt que la pensée abstraite, idéologique ou philosophique.
  1. Dyssynchronie sociale, c’est-à-dire :
  •  D’une part, un décalage entre le développement psychosocial de l’enfant doué et celui de ses pairs. Selon les stades de développement d’Erikson, les enfants par exemple d’âge primaire (7 à 11 ans) sont au stade de la compétence, où ils ont besoin de se sentir capables pour développer notamment leur confiance en eux et leur sens du travail. Ils cherchent donc à accomplir des tâches pour gagner la reconnaissance de leurs pairs ou des adultes.
  • À cet âge, les amitiés sont changeantes et les enfants cherchent des opportunités pour se comparer les uns aux autres ou pour devenir les meilleurs dans telle ou telle activité. Durant cette période, un grand nombre d’enfants doués intellectuellement sont déjà au stade suivant, c’est-à-dire le stade de la fidélité (qui se situe normalement entre 12 et 18 ans) où il se préoccupe grandement de comment les autres le perçoivent et a besoin de vivre des expériences ainsi que d’avoir des relations avec des amis fidèles pour qui il a de la valeur afin de construire son identité. En d’autres mots, il cherche « l’âme sœur » et se demande « qui suis-je ? » et « où vais-je dans la vie ? », au moment où ses pairs cherchent à se comparer pour répondre à la question « suis-je compétent, suis-je meilleur ou inférieur ? ».
  • D’autre part, un décalage entre son développement moral et celui de la majorité des enfants et des adultes qui l’entourent. Un grand nombre d’enfants doués intellectuellement, particulièrement ceux qui ont un très haut potentiel intellectuel (THPI), ont déjà acquis, au primaire, les stades postconventionnels de développement moral (stades de Kohlberg les plus avancés) où leurs choix d’action se font en fonction des droits humains et du bien commun (stade 5) ainsi qu’en fonction des principes moraux et des valeurs universelles comme la justice ou la vérité (stade 6) alors que seulement 10 % des adultes atteindront ce dernier stade de développement moral tout au long de leur vie (voir ex. : Gross, 2018).

En conséquence à ces dyssynchronies sociales, plusieurs enfants doués intellectuellement peuvent présenter, à divers degrés, des difficultés à entrer en relation avec les autres enfants de leur âge ainsi que des difficultés à comprendre les limites, les normes sociales ou le cadre de la moyenne des gens.

Les études dans le domaine confirment que ces dyssynchronies internes ainsi que ces dyssynchronies scolaires et sociales existent, mais aussi que, dans la majorité des cas, elles peuvent être considérées normales chez les enfants doués, c’est-à-dire qu’elles ne mènent pas nécessairement ni directement à des difficultés psychologiques ou à des troubles neurodéveloppementaux et/ou de santé mentale (ex. : Liratni, & Pry, 2011 ; Wiley, & Hébert, 2014).

Il en va autrement de la dernière dyssynchronie environnementale que l’on peut observer chez certains enfants doués intellectuellement :

  1. Dyssynchronie familiale, c’est-à-dire un décalage entre les besoins de l’enfant doué et la capacité de sa famille à y répondre, ce qui peut générer un sentiment d’être incompris, des difficultés à suivre le cadre et les routines, une mésadaptation et un malaise plus général, des problèmes d’estime de soi, d’identité, etc. En effet, les études confirment qu’être parent d’un enfant doué, c’est réellement devoir être un parent différent (ex. Matthews, & Jolly, 2018), c’est-à-dire que pour répondre aux besoins de leur enfant, souvent, les parents doivent :
    • Pouvoir accepter, comprendre et s’adapter (ex. : identité, style parental, organisation et fonctionnement quotidien, attentes, cadre, discipline) ;
    • Faire face aux tabous et être l’avocat de ses besoins particuliers ;
    • Avoir les ressources (ex. : financières, psychologiques, sociales) pour faire face aux défis et permettre le développement du talent ;
    • Avoir un haut degré d’engagement, de cohésion, de structure et d’organisation ;
    • Viser l’équilibre entre l’identification forte à la famille et la différenciation de chacun de ses membres.

La famille est le premier facteur de protection des enfants doués.

Les dyssynchronies familiales seraient particulièrement dommageables sur l’adaptation et le bien-être d’un enfant doué et devraient faire l’objet d’une priorité d’intervention afin de permettre aux parents de répondre aux besoins particuliers de leur enfant doué intellectuellement.

Références scientifiques sur le sujet

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Apt, C. (2017). The socioemotional intelligence of gifted and talented adolescents as a possible predictor of future career success. Psychology and Education: An Interdisciplinary Journal, 54 (3-4), 50-56.

Hernández Finch, M. E., Speirs Neumeister, K. L., Burney, V. H., & Cook, A. L. (2014). The Relationship of Cognitive and Executive Functioning With Achievement in Gifted Kindergarten Children. Gifted Child Quarterly, 58, 167 –182.

Gross, M. U. (2018). Highly gifted students. In Callahan, C.M., Hertberg-Davis, H.L. Fundamentals of gifted education: considering multiple perspectives. (2nd edition, p. 429-440). New York, NY : Routledge.

Gross, M. U. M. (1998). The « me » behind the mask: Intellectually gifted students and the search for identity. Roeper Review: A Journal on Gifted Education, 20 (3), 167-174.

Li, Z., Gan, J. Q, & Wang, H. (2017) Neurocognitive mechanisms of mathematical giftedness: A literature review. Applied Neuropsychology: Child, 6, 79-94.

Liratnia, M. & Pry, R. (2012). Profil psychométrique de 60 enfants à haut potentiel. Pratiques psychologiques, 18, 63-74.

Mullet, D. R., & Rinn, A. R. (2015) Giftedness and ADHD: Identification, Misdiagnosis, and Dual Diagnosis, Roeper Review, 37:4.

Neihart, M., & Yeo, L. S. (2018). Psychological issues unique to te gifted student. In S. I. Pfeiffer, E. Shaunessy-Dedrick and M. Foley-Nicpon (Eds). APA Handbook of Giftedness and Talent. (pp. 497-510) Washigton, DC : American Psychological Association.

Rinn, A. N. (2018). Social and emotional considerations for gifted students. In S. I. Pfeiffer, E. Shaunessy-Dedrick and M. Foley-Nicpon (Eds). APA Handbook of Giftedness and Talent. (pp. 453-464) Washigton, DC: American Psychological Association.

Toth-Gauthier, M., & Day, J. M. (2015). Cognitive complexity, religious cognition, cognitive development, and religious judgment: An empirical study of relationships amongst “normal” and “gifted” young people. Behavioral Development Bulletin, 20 (1), 60-69.

Wiley, H. E. & Hébert, T. (2014). Social and emotional traits of gifted youth. In J. A. Pluckers, & C. M. Callahan (Eds.), Critical issues and practices in gifted education (2nd ed.) (pp 593-608. Waco, TX : Prufrock.

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